Beppu

Il est temps pour moi d’aller à Beppu, mon seul stop sur l’île de Kyushu (au sud de Honshu, l’île principale de l’archipel).

Beppu est réputé pour ses onsens (bain thermal japonais), et pour ses 8 enfers (des sources chaudes naturelles).

Une allemande rencontrée à Osaka m’avait appâté avec ses photos Instagram, et j’avais décidé de rajouter cette étape sur ma route, un peu plus au sud d’Hiroshima.

3 trains plus tard, je me retrouve dans cette ville, où je trouve qu’il est assez difficile de circuler, il est déjà assez tard en fin de compte. Je n’aurai clairement pas le temps de faire tous les enfers, et seuls deux semblent valoir le coup.

Ça sent quand même fortement l’attrape-touristes (je me renseigne sur TripAdvisor : un des enfers semble permettre aux touristes de voir des crocodiles, un autre propose un zoo accueillant des animaux dans un minuscule espace)

Mais bon, j’ai de si bons souvenirs de l’Islande que je me referai bien un shoot de souffre, et je privilégie les « enfers » qui ne sont pas ceux des animaux (qui ne détiennent pas d’animaux dans des conditions discutables)

Le premier : Umi-Jigoku (« enfer de la mer »). Après une courte balade qui me fait passer sur un pont au dessus d’un charmant petit lac, agrémenté de nénuphars géants et de cerisiers en fleurs, se dresse un point d’eau couleur bleue cobalt, qui a air de chauffer sévère, vu la fumée qui s’en dégage.

Clou du spectacle, on peut « reposer » ses pieds dans un bain d’eau naturelle brûlante. Tout le monde en profite :

Noooooon, pas la trempette …. !!!


Ça va, on est plutôt bien accueilli chez Hadès en fin de compte.
Enthousiaste, je me rends au deuxième « enfer ».

Pour choper le bus qui m’y conduira (les transports sont assez galère à Beppu je trouve), je suis censé marcher une dizaine de minutes. Et je marche encore. Ça grimpe un peu, google maps m’indique n’importe quoi (ou c’est mon sens de l’orientation qui me fait défaut) et je finis par atteindre l’arrêt de bus désœuvré. Je ne sais pas ce que je fous avec mon ukulélé dans mon sac, mais je passe le temps en jouant au bord de la rue.

Petite parenthèse, je trouve hallucinant le nombre de fois où on commente le fait que j’ai un ukulele dans mon sac. Je devrais toujours me trimbaler avec, car cela suscite la curiosité des japonais, et c’est un excellent moyen de démarrer les conversations, ou à défaut d’échanger quelques sourires.

Sur ces péripéties, je parviens devant Chinoike-Jigoku (« étang de sang »), et là je sens le piège.

Je paye mon entrée 500 yens (un peu moins de 5€), et passage obligatoire par la boutique avant de voir la source chaude d’argile rougeoyante. La boutique est assez énorme pour l’endroit, et partout des produits dérivés des 8 enfers …
Je trace ma route tout droit, pour voir l’attraction, et cette dernière s’avère plus petite que la boutique elle-même.

Carton rouge mais carton pas plein :

Bon, ok, c’est joli tout de même


Les 1052 produits dérivés des « 8 enfers de Beppu »

Passage furtif à l’hostel, avant d’aller me détendre au Beppu Onsen (bains thermaux rappelez-vous).


Profitant du fait qu’il n’y ait encore personne dans le bassin, je prends une photo discrètement :


Non non, ce n’est pas une photo des douches communes de la prison du coin

Ce n’est pas forcément ce que j’avais imaginé, mais je passe un bon et court moment dans le bain chaud. Puis, mon estomac criant famine, cherche un restaurant dans le coin.

Petite rue à Beppu

Puis pose mon séant dans un restaurant / pub japonais. Repas du soir : sashimis et poulpe. Franchement rien exceptionnel, c’est la première fois que je ressors déçu d’un restaurant au Japon (je n’ai même pas eu envie de pratiquer le foodporn sur Instagram, c’est dire). Une journée mitigée donc pour ma part. Beppu ne sera pas un coup de cœur. Je termine la soirée par un petit article, et hop au lit.


Hiroshima

Le lendemain, je remonte vers Hiroshima, qu’il n’est pas – je pense – nécessaire de présenter.
Je découvrirai plus tard, mais pas par moi même, que la vie nocturne à Hiroshima y est assez sympathique. Mais je me rends à Hiroshima par devoir de mémoire.

En arrivant à la gare, je galère encore une fois à trouver un locker où poser mon backpack. On est dimanche, l’équipe locale de baseball joue aujourd’hui : les Carp ! Tout le monde dans la rue ou dans les boutiques porte le maillot de l’équipe. Une ferveur assez impressionnante, mais qui remplit TOUS les lockers de la ville, c’est bien ma veine.

Une heure plus tard (vraiment) à tourner autour de la gare, je finis par identifier 2 petits lockers disponibles, et à nouveau je découpe mon sac (enfin son contenu) en deux …

Balade en ville d’une heure avant de rejoindre le mémorial. Une ville assez grise et triste tout de même.


Le mémorial est blindé de monde, et j’enfile rapidement mes écouteurs afin de ne pas me laisser perturber par le brouhaha.

L’endroit est vieillissant et les japonais ne sont clairement pas les spécialistes des musées. Cela dit, l’atmosphère devient vite pesante à la vue de tous ces objets déchiquetés et fondus portés par des enfants lors de l’explosion de la bombe atomique le 6 août 1945 (340000 habitants alors, 70000 morts sur le coup et environ 140000 morts au total d’après Wikipedia et autres sources).

L’objectif de ce mémorial est très clairement de faire prendre conscience de l’atrocité de l’utilisation de cette arme afin que cela n’arrive plus jamais, sans grande mention du choix des américains de recourir à cette extrémité.

La deuxième partie du mémorial couvre les effets consécutifs à l’irradiation sur le corps humain (hémorragies, perte de cheveux, cancers), images insupportables. En sortant, un panneau fait référence à la visite d’Obama à Hiroshima en 2016, premier président américain en exercice à faire le déplacement. Et qui a répondu en partie aux attentes des habitants (ils auraient attendu des regrets clairement exprimés mais ont reconnu la qualité de se visite).

Une phrase mentionne que « tout dirigeant d’un pays possédant la bombe nucléaire devrait se rendre à Hiroshima ».

A bon entendeur …

Je me balade ensuite dans le parc, forcément un peu choqué.


Parviens devant le monument dédié aux enfants décédés, dont le parterre est parsemé de grues en origami (le symbole que l’on voit partout) :

Puis devant le dôme Genbaku, à l’origine le Palais d’exposition industrielle du département d’Hiroshima, conservé tel quel après l’explosion :

La chanson « Russians » de Sting tourne en boucle dans ma tête sur le trajet qui me ramène à la gare …


Miyajima

Direction Miyajima où je passerai ma nuit.

J’ai entendu parler pour la première fois de cette ville dans un resto vietnamien à Paris. Le serveur ayant vu mon guide du Japon posé sur la table, ce dernier m’avait montré ses photos du Torii de Miyajima, et cela m’avait paru prometteur.
Il s’agit d’une île, accessible en ferry à partir d’Itsukushima ou j’ai réservé un hostel. A cette époque (Avril), il vaut mieux s’y prendre quelques jours en avance.

Centre ville se réduisant à quelques rues, supérettes, restaurants et ferry permettant de rejoindre l’île en 10 minutes.

Arrivé la bas, je fais la rencontre de Simon, un français du sud sans accent (déjà, le mec est louche … sans mauvais jeu de mots, d’opticien qu’il est).

On prend une première bière, puis on dîne dans un restaurant d’okonomiyaki. Petite pensée pour Nara à cet instant, ou j’ai dégusté ma première « omelette » japonaise. Cette fois, j’opte pour la version fruits de mer intégrale : moules et huîtres ! Un régal.

Le deuxième meilleur okonomiyaki de ma vie

De retour à l’hostel (il n’y a malheureusement pas de bars dans les environs), nous croisons la route (de la soif) de Mata, un japonais quadragénaire, qui nous paye un premier shot de saké. Chaud bouillant, ce dernier nous traîne au 7 Eleven (supérette ouverte 24/24) afin d’acheter des liqueurs (prune, pêche, et autres fruits), des canettes de « highball » (whisky / soda, très populaire au Japon), et une bouteille de Shōchū, une eau de vie également populaire, à base de riz, d’orge et de sarrasin.

Sur le chemin du retour, Mata butte sur un portefeuille abandonné la. Il y a pas mal d’argent à l’intérieur, mais au Japon, on ne vole pas. Il ramène le portefeuille à l’hostel, et la fille à l’accueil s’empresse d’appeler la police. On n’est manifestement pas en France …

Après avoir sifflé quelques bouteilles, Mata nous chauffe sur un karaoké. Il connaît un endroit à quelques stations d’ici. Nous sommes une dizaine dans le salon de l’hostel, et nous essayons de motiver les autres, mais ce soir ce sera juste Mata, Simon et moi. On ne va pas louper l’occasion de faire la fête avec un japonais.



Quatre stations de train plus tard, nous voilà devant un énorme box de divertissement : karaoké, mangas, jeux de fléchettes électroniques, glace et boisson a volonté. Ces endroits ouverts 24/24 sont légion au Japon. On les appelle parfois Manga Kissa, et ces derniers, la vie étant chère au Japon, bien que ne disposant pas de lits à proprement parler, font office d’hôtel pour les étudiants ou personnes en manque d’argent.

Nous nous retrouvons pendant une bonne heure et demie à nous égosiller sur des chansons en anglais, voire japonaises. Apparemment, le truc de Mata, ce sont les chansons d’anime (dessin animé) ou les chansons d’amour de Céline Dion.

Heureusement pour nous, il est possible de suivre les chansons nippones avec des Romanji, les caractères romans correspondant aux caractères japonais, et qui nous permettent de chanter les syllabes.

La liqueur de pêche fait le job

Mata est totalement crevé (Saint Seiya a eu raison de lui), et nous lui proposons de rentrer.

A l’hostel, 4 étudiants français très sympas en école d’architecture terminent la soirée. Il est minuit, et on discute, boit du shōchū, joue aux cartes, au ping pong, de la musique (Jaafar joue super bien du cajon), et il est déjà 5h du matin.

Lever à 9h30 le lendemain pour aller gravir le Mont Misen sur l’île de Miyajima avec Simon (les français étaient censés venir aussi, mais le shōchū semble avoir eu raison de leur motivation, ils iront plus tard … les petits joueurs !)

Traversée en ferry, il fait assez moche, et Simon me prévient : « je ne suis pas sportif », et moi qui n’aime pas trop la rando en général … le bon duo de winners

Nous sommes accueillis par les daims (Nara, je pense toujours à toi), et par le fameux Torii de Miyajima, ou plutôt le torii flottant d’Itsukushima (ou encore la « porte du Japon »).

Non, ce n’est pas le fameux Tori, juste un goodie super kawaï !

Des magazines en papier : le repas gastronomique du daim


Sont photogéniques ces daims tout de même

Puis parmi les 3 sentiers possibles, nous optons pour le plus court, mais aussi logiquement le plus pentu !

Quelques-unes des 2000 marches (et plus) à gravir


Balade très chouette, ça grimpe bien, il y a de nombreux « escaliers » aménagés qui nous font lever les jambes assez haut. Il fait froid mais nous nous retrouvons rapidement en T-Shirt.

Arrivés en haut, la récompense est au niveau de nos gouttes de sueur, le panorama est grandiose malgré le mauvais temps.


En redescendant, nous croisons le chemin de cerfs un peu chauds :

La descente est bien longue et nous sommes affamés. Il est 16h lorsque nous atteignons le niveau de la mer. Un tonkatsu (porc pané frit) et un beignet aux huîtres plus tard, nous terminons la balade parmi les échoppes de l’île et retournons à Itsukusima à l’hostel.

Pourtant motivés initialement pour enchaîner une deuxième soirée, la fatigue nous rattrape carrément, et c’est nous qui faisons les fruits de mer.

Un australien nous montre les vidéos qu’il parvient à faire avec son drone. C’est littéralement bluffant … (https://www.instagram.com/downfromtheclouds/) et mettra au défi ma compulsivité dans le domaine du shopping ces prochains jours.

Prochaine étape : Osaka/Yoshino